La peste: cas clinique

          La peste peut tout d’abord être qualifiée de zoonose. En effet, cette épidémie frappant plutôt les animaux , le plus souvent les rongeurs -le rat en particulier-  peut être incidemment transmise à l’homme. Cette transmission se fait directement par morsure d’animal infecté ou par piqûres de puces infectées . 

une puce ayant sucé du sang contaminé

La puce est, en effet le moyen de transmission le plus commun : on sait tout d’abord, qu’en tant qu’insecte parasite,  elle se nourrit de sang. Or, même si elle aspire du sang contaminé, elle n’est pas infectée. Au contraire, elle cultive , dans son tube digestif , le bacille responsable de l’infection qu’elle a avalé, pour le rejeter ensuite dans l’organisme de sa prochaine victime. Cette épidémie est effectivement due à cette espèce de bactérie nommée bacille de Yersin. Ce micro-organisme unicellulaire en forme de bâtonnet est caractéristique : il est court, ovoïde, immobile, non sporulé et ressemble un peu à une épingle de sûreté qui peut très bien s’introduire dans les cellules. De plus, il est extrêmement résistant : seule une exposition, soit à une chaleur humide de 121°C pendant une quinzaine de minutes, soit à une chaleur sèche de 160 à 170°C pendant une heure, peut en venir à bout. Il peut aussi survivre jusqu’à cent jours dans le sang, et jusqu’à 270 jours dans un corps humain.  D’autre part, il  réussit à se multiplier dans le sol des terriers de rongeurs lorsque le microclimat et diverses conditions s’y prêtent, contaminant ainsi des rongeurs sains qui deviennent alors un  foyer potentiel d'épidémie.                                                                                                    

Voir le cycle de la peste

             Même si cette infection touche de nombreuses espèces, toutes ne sont pas égales face au bacille : le lapin est très peu réceptif à la peste contrairement aux oiseaux qui y sont réfractaires. L’homme, lui, est malheureusement un « excellent » récepteur. Il  peut d’ailleurs être sujet à plusieurs formes de peste, selon les voies de transmission empruntées par le bacille. Les différentes formes sont la peste bubonique et la peste pulmonaire primitive. Ces deux formes de peste  sont d’ailleurs très différentes, pour ne pas dire opposées. Une troisième forme de peste existe, la peste septicémique, qui n’est pourtant pas une forme de la maladie à part entière.

            La peste bubonique survient après piqûre d’une puce de rat infectée. Peu de temps après la piqûre, une sorte de petit renflement, de nodule de lymphe infectée, appelé bubon, apparaît. Ce bubon se forme dans le système lymphatique drainant ainsi la zone proche de la morsure. Après une incubation de deux à six jours, on remarque un syndrome toxi-infectieux grave  mis en place par l’organisme pour se défendre contre les toxines que le germe a introduites. Le malade est alors en proie à une forte fièvre, à des frissons, à des douleurs musculaires diffuses, et à des maux de tête. Il est aussi extrêmement faible. Vingt-quatre heures plus tard, un ou plusieurs autres bubons apparaissent, mais ceux là à des niveaux différents selon la localisation de la piqûre : à l’aine, si le sujet a été piqué aux jambes, aux aisselles ou dans le cou s’il a été piqué aux bras, au cou ou sur le tout le haut du corps.

Voir une peinture de Saint Roch, patron de la peste. 

Voir la localisation du bubon.

Ces nouveaux bubons sont un peu différents des premiers : ils sont douloureux, rouges, chauds, enflés de pus, extrêmement riches en bacilles , et traduisent en fait une inflammation d’un ganglion lymphatique se trouvant à chaque endroit où ils apparaissent. Ils sont appelés adénites. Ces inflammations s’expliquent d’ailleurs assez facilement.

En effet, ces ganglions sont des sortes de relais du système immunitaire. Ils sont sollicités à chaque infection et c’est le ganglion le plus proche du point de morsure, sorte de petit « bataillon »,  qui se mobilise. Cela explique les différentes localisations des bubons en fonction du foyer infectieux. Cette inflammation des ganglions est en fait une réaction défensive de l’organisme contre le bacille. A ce stade de l’infection, sans traitement approprié, le malade est sujet à des évanouissements, à des délires et parfois même à des convulsions, les centres nerveux étant perturbés. Le risque de mortalité est alors de 50%. En effet, une fois sur deux, la bactérie s’introduit dans le système sanguin et les symptômes d’une « peste septicémique », phase terminale des pestes buboniques et pulmonaires, apparaissent alors.

            La peste pulmonaire, quant à elle,  se transmet d’homme à homme, mais aussi d’animaux de compagnie à homme et vice-versa. Cette transmission se fait  par voie aérienne par l’intermédiaire de minuscules particules chargées d’eau, les gouttelettes de Flügge ( médecin allemand qui les a décrites ) et projetées dans l’air par les poumons en toussant . Cette peste-ci  est par conséquent beaucoup plus contagieuse que la peste bubonique. Cependant cette forme de peste demande certaines conditions. En effet, la transmission interhumaine par voie respiratoire dépend de facteurs climatiques, tels que  l’humidité atmosphérique et une température inférieure à 15°C, facteurs sans lesquelles elle ne peut pas apparaître. De plus, l’encombrement facilite la transmission.  Cette forme de peste se répand donc d’autant mieux en hiver et dans les milieux surpeuplés, par contagion directe à partir d’un cas de peste bubonique compliqué d’une peste pulmonaire. L’incubation est brève puisqu’elle varie de quelques heures à deux jours. Les syndromes toxi-infectieux sont là aussi très présents : une fièvre élevée (…) mais aussi une pneumopathie, maladie des poumons, aiguë et asphyxiante, avec des expectorations ou crachats abondants, fluides, striés de sang, et extrêmement riches en bacilles.   L’évolution, sans traitement, est fatale en deux ou trois jours, tout au plus.    

            La phase terminale de toute forme de peste, bubonique ou pulmonaire, est la septicémie pesteuse, comme on l’a déjà souligné.  C’est en fait une complication d’une peste non traitée : le bacille envahit le système sanguin et cause une septicémie, une infection du sang. Cependant, elle peut aussi survenir directement après contamination si celle-ci se fait directement dans le sang . Les premiers symptômes, en plus de ceux de la phase initiale de l’épidémie, c’est-à-dire tout ceux qui appartiennent au syndrome toxi-infectieux , sont les mêmes que ceux d’une gastro-entérite courante : des nausées, des vomissements, des diarrhées, des douleurs abdominales … A ce stade, il est difficile de mettre en évidence l’infection autrement qu’en entreprenant une prise de sang. En effet, la vraie nature de la maladie devient seulement évidente quand le patient développe de graves problèmes de saignements : des hémorragies sous-cutanées se traduisant par des ecchymoses sombres sous la peau -d’où son autre nom de peste noire- des saignements anormaux de la bouche ou du nez, mais aussi des traces de sang dans l’urine issues d’un saignement  lui aussi anormal du rectum. Après ces divers troubles du sang, apparaissent les symptômes d’un état de choc : chute de la pression artérielle, pouls rapide, évanouissements…Des dysfonctionnements rénaux ainsi que de sévères difficultés respiratoires surviennent ensuite . Pour finir , le sujet développe une prostration et ne peut plus bouger . L’issue est rapidement fatale en l’absence de traitement.

                  Il existe de nos jours des traitements  pour combattre ces différentes formes de la maladie. En effet, les antibiotiques traitent efficacement la peste au stade précoce, c’est-à-dire 8 à 24 heures après le début des symptômes ; c’est pourquoi le traitement doit être mis en œuvre dès la moindre suspicion sans attendre la confirmation du diagnostic.  A part la pénicilline, la plupart des antibiotiques donnent d’excellents résultats. Cependant, le  traitement de choix pour toute forme de peste reste la streptomycinothérapie. En cas de peste pulmonaire, ce traitement, s’il est entrepris dans les 15 heures suivant l’apparition des symptômes permet d’assurer la guérison. D’autre part, la présence d’une infection secondaire ou d’un bubon suppurant peut nécessiter une incision ou un drainage. Mais quelque soit le traitement, un isolement est requis pour prévenir tous risques de contamination et d’extension épidémique.  

Voir le dictionnaire

 

 

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